A president at the Embassy

Publié le par DC Confidential

    C’était ma première ambassade en tant qu’invité et, vu mon jeune âge, mon premier président de la chose publique. L’invitation précisait “tenue de ville” et je me fendis donc d’un costume et d’une cravate, on jurerait là dedans que j’ai toujours travaillé dans des bureaux. La foule rassemblée à l’ambassade de France à Washington DC — on dirait du Duras — était toute habillée comme moi, peu de couleurs malgré une assez bonne représentation de la gent féminine, et l’affluence de tous ces francophones faisait plaisir à voir. Une fois le barrage passé — toujours Duras — on le sait, on est en France et les drapeaux national et européen flottent, c’est émouvant.

    Le président arrivait tout droit de Guilvinec, où vous le savez peut-être il avait failli se faire un marin pêcheur râleur, avec une bonne demi heure de retard — ce qui est dur quand on est à côté des petits fours et que le champagne a l’air frappé — et un staff impressionnant : Kouchner, Laguarde, Rama Yade, un que j’ai pas reconnu, il paraît que c’est le président de l’Assemblée. Tout ce monde se hissa sur l’estrade sous les ovations d’une foule qui semblait s’être trompée de concert... Le Nico était bronzé, trop à mon avis, et de belle humeur pour quelqu’un qui enchaîne une double journée avec traversée de l’Atlantique au milieu et dîner à la Maison Blanche en perspective. Il nous parla avec enthousiasme, sympathie.

Un sans faute

    Tout ce qu’il a dit est vrai : on ne peut oublier le sacrifice de ces jeunes Américains qui nous ont sauvé en 45, il ne faut pas laisser sans défense nos paysans et nos marins (oubliée l’échauffourée du matin “sur la route” — comme il le fit, non sans humour, remarquer), la France est l’amie de l’Amérique ce qui ne veut pas dire qu’il faille être d’accord sur tout.

Un brin de clientélisme

    Il le sait, les expatriés donnent beaucoup en quittant leur pays et c’est pourquoi, ne s’en tenant pas aux conseils des bureaucrates qui voulaient lui faire ravaler ses promesses de campagne, il a insisté pour que désormais les études de terminale soient gratuites pour leurs enfants. La mesure s’étendra chaque année au niveau inférieur — patience les sixièmes... En effet “pourquoi, alors que les expatriés donnent tant à leur pays devraient-ils ne pas bénéficier de la gratuité de l’enseignement, comme tous les Français”? La foule ne se contenait plus, on aurait lancé les youyous si on avait su comment ça se faisait.
Un invité un peu critique aurait pu répondre que le doublement ou le triplement de leur paie pouvait constituer un début de justification à cette injustice criante, mais personne ne semblait très critique, bien que le bar n’ait pas encore été ouvert...

Un public acquis

    Les électeurs de France à DC ont donné 46 % des voies à notre président au premier tour et il fallait être dans les premiers à répondre à l’invitation pour être reçu à l’ambassade. Autant dire qu’il aurait pu dire n’importe quoi et on l’aurait applaudi, il n’était que d’entendre les commentaires autour des petits fours “Formidable ! Enfin quelqu’un de dynamique !” Derrière moi deux jeunes filles ponctuaient le discours de leurs “C’est vrai !” ou “Mon père est directeur de PME et il tire la langue avec le dollar aussi bas !
On était très loin de Duras.
J’avais chaud.

Une présentation limite

    Kouchner, le malheureux devait rester stoïque en écoutant son patron ironiser sur les réformes qu’il se devait d’entreprendre parce que les autres présidents n’avaient eu le courage que d’en entreprendre une seule par mandat quand lui allait nous réformer tout ça d’un coup. Puis il se tourna vers le Bernard pour dire combien il était fier de venir ici avec lui. Laguarde, première femme ministre de l’économie, beau boulot, ils allaient voir à la Maison Blanche... Dati arriverait plus tard, bel exemple d’intégration à la française là aussi. Enfin ce fut le tour de la si belle Rama Yade qui fut gratifiée d’un “qui donne une si belle image de la France” — contente d’être venue se montrer la Rama.

    Heureusement tout ça fut noyé dans le champagne et le brie de Meaux 100% pas au lait pasteurisé, sans oublier les macarons pour lutter contre l’hypoglycémie.

Publié dans buffet politique

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